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Photo du rédacteurLaurent Depond

Modèle d'inclusion cette cérémonie d'ouverture des #JO2024 ? 🧐

Beaucoup a déjà été écrit ce que l’on a aimé ou pas dans la cérémonie, en fonction de sa culture et de ses goûts. J'ai voulu, pour ma part, apporter un autre angle à la réflexion, sous les auspices des sciences cognitives.

Comme beaucoup, j’ai adoré l’énergie, la mise en scène d‘un Paris historique et moderne à la fois et certaines performances scéniques, beaucoup moins d’autres... Mais cela n'est pas le sujet et ne regarde que moi.😉

💖Bravo donc globalement aux organisateurs pour cette magnifique scénarisation !

👉En revanche, pour ce qui est de l'inclusion, je suis perplexe. En présentant la cérémonie d'ouverture comme un modèle, ne réduisons-nous pas un peu, voire beaucoup, le champ de l’#inclusion ?

👉Surtout, cette approche très "militante" est-elle efficace pour la faire progresser, dans la société française comme ailleurs dans le monde ? Il y a sans doute, à ce propos, des leçons à tirer de la polémique qui parasite ce qui devrait être une trêve olympique et un moment de communion.


L'inclusion c'est aussi tenir compte de la diversité convictionnelle


👉Certes, il y a eu du superbe et de l’inspirant avec mise en visibilité :

  • de toutes les origines et couleurs de peau, ce qui est évidement un must pour des jeux mondiaux,

  • du handicap avec les athlètes paralympiques,

  • de l’intergénérationnel avec l’émouvante transmission du flambeau par un <très> ancien,

  • d’un message de liberté en matière de vie amoureuse et de préférences sexuelles que la séquence "Jules et Jim" a fait passer de façon subtile.

 

👉Pourtant, comme c’est souvent le cas lorsque l’on parle diversité, me semble manquer une dimension essentielle de l’inclusion : la capacité à respecter des convictions qui ne sont pas les siennes. Et cela m’a perturbé pour un spectacle mondial où la diversité culturelle est une donnée de base !


👉Plus techniquement, dans la forme, cette diversité culturelle, impose d'adapter son message à sa cible, pour avoir un quelconque impact. L'objectif d'inclusion de toutes et tous n'échappe pas à la règle. C'est ce que je constate au quotidien en entreprise : tout l’enjeu du management inclusif consiste à faire collaborer des gens avec des convictions parfois radicalement opposées, tout en respectant chacun.


💡Je réagis donc dans cet article sur les 3 principaux points urticants de cette cérémonie qui sont largement remontés dans les commentaires des réseaux sociaux et dans mes échanges avec mon propre réseau.


Suggérer pour susciter le questionnement, oui bien sûr mais provoquer s'avère contreproductif


1 👉Certains tableaux de la cérémonie d’ouverture ont imposé la vision de leurs auteurs avec un côté que j’ai également ressenti comme très « ethnocentré » (« nous les Français libérés vous expliquons ce que vous devez penser »). Pas très inclusif pour une cérémonie mondiale ! D’où la censure de certains passages de la cérémonie par 59 pays quand même ! Je ne suis pas certain que cela se soit produit auparavant. Ils ont jugé bon, en particulier, de censurer ce qui m'a évoqué une scène orgiaque du Satyricon[1]. de Fellini avec un tableau de drag queens. Certains en font un combat pour le droit au blasphème et pour la laïcité, était-ce le moment et surtout est-ce impactant ?


💡La présence « subtile » d’UNE drag queen aurait peut-être été plus efficace pour faire passer un message inclusif vis-à-vis de cette communauté. Croire que provoquer en allumant le chiffon rouge des convictions religieuses permet de faire progresser la tolérance est totalement illusoire, le message a été totalement effacé et nombre de téléspectateurs n'y auront donc jamais accès.


💡Pour travailler sur les fonctionnements cognitifs, je constate que, si l’on brutalise les croyances d’un interlocuteur, le #biais de confirmation d’hypothèse entre en action immédiatement : son cerveau 🧠va éliminer tout ce qui ne va pas dans le sens de ses convictions préétablies. Zéro impact donc et je suis prêt à parier que la cérémonie restera dans les mémoires, plus pour les polémiques qu’elle a générées, que pour son côté inclusif. Surtout elle n’aura pas d’effet transformationnel.


[1] sur la base du roman de l'auteur latin Pétrone


Peut-on quand même faire passer des messages inclusifs en étant « lisses » et politiquement corrects ?


🧐Les controverses autour de la cérémonie m’ont rappelé un projet que je pilotais avec mes équipes il y a une vingtaine d’années. Il s’agissait de faire passer des suggestions de postures à adopter face aux clients pour améliorer la relation commerciale. Le dispositif était à destination de milliers de conseillers clients dans des centres d’appels. C’était l’époque des premiers blogs et mon équipe de communicants nous avait proposé de créer une rupture avec la communication traditionnelle en investissant un univers style « Lara Croft » avec une silhouette féminine très suggestive, censée représenter une conseillère qui partageait des trucs et astuces avec d’autres conseillers. Ce fut un flop total et absolu et nous avons arrêté le blog au bout de quelques semaines.


😔Pourquoi ? Malgré notre talent, nous n’avions pas pris en compte l’acceptabilité de la forme par notre public. Il était composé d'une forte proportion de collaborateurs seniors, de femmes avec des problèmes de poids ou engagées pour une représentation féminine respectueuse ou encore de jeunes conseillers pour qui la représentation féminine est choquante d’un point de vue religieux. Exit donc Lara Croft ! Et pourtant nous adorions le concept et son côté innovant.


💡Pour faire passer un message d’inclusion, mieux vaut la subtilité et le ressort des émotions positives plutôt que d’imposer une vision personnelle ou militante avec des injonctions. C’est aussi corroboré par les études sur l’efficacité des politiques de #DiversitéetInclusion [2].


[2] Notamment celles de Kalev et Dobin (Harvard et Tel Aviv) : Why Diversity Programs Fail?

 

L'humour et la dérision, culturels en France sont donc à proscrire ?


2👉Là encore, il faut penser aux effets collatéraux sur sa cible et il y a des moments pour tout. Notre prisme égocentrique ne doit pas nous faire croire que tout le monde a le même sens de l’humour et de la dérision que nous (biais de faux consensus).


👉Tous les téléspectateurs n’étant pas de culture française et n'ayant pas nos références culturelles ni notre sens de la dérision, il faut donc accepter la relativité de nos goûts.


👉La tête coupée de Marie-Antoinette a clairement posé question côté inclusion : même en France, combien de parents qui avaient autorisé leurs jeunes enfants à participer à LA grande fête ont ramé pour expliquer la gerbe de sang et sa violence implicite, dans un monde où certains incitent à la décapitation.


🧐La Révolution française avait certainement mieux à offrir comme illustration que le rappel de ce qu’elle a eu de plus barbare. Pourquoi ne pas magnifier quelque chose de plus inclusif comme la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme en ajoutant, bien sûr, ceux de la Citoyenne, en mémoire d’Olympes de Gouges, elle aussi massacrée ? 


Il y a quand même eu de beaux symboles d’inclusion avec des gestes forts ?


3💡Oui certes, lorsqu’ils sont implicites et naturels comme entre les sportifs. La transmission intergénérationnelle du flambeau en est un bon exemple. Elle a fonctionné et a généré de l’émotion.


👉Dans la forme, pour qu’un message fonctionne bien, c’est le cas en matière de management inclusif, il faut qu’il soit « incarné » et cohérent par rapport au ressenti de celui qui le porte. Il faut que son porteur soit convaincu, aligné, ce qui se traduit par sa tonalité de voix ou son attitude corporelle.


👉Je n’ai pas ressenti cela dans le troisième tableau challengé, celui du duo de la Garde Républicaine avec Aya Nakamura. Beaucoup se sont enthousiasmés sur le mélange des genres, j’y ai juste vu deux mondes qui se frôlaient sans se rencontrer. Je n’y ai pas perçu un moment d’inclusion mais juste une figure imposée.

 

Pourquoi ces polémiques quand il faudrait communier autour du sport ?


👉Encore une injonction : tout le monde ne place pas les jeux en tête des ses préoccupations ni l’inclusion en haut de sa liste des sujets à traiter et cela aussi c’est acceptable. Pour beaucoup, l’inquiétude liée au lendemain reste très prégnante malgré la diversion apportée par les jeux. Dérèglement climatique, géopolitique, politique intérieure ou soucis personnels.


🧐Au-delà même du parti pris des créateurs du spectacle qui ont voulu imposer au monde leurs combats, ce qui m’a interpellé ce sont les commentaires catégoriques sur les réseaux sociaux et les mécanismes de groupe qui s’y sont exprimés et que je décortique avec délectation. Il faut renchérir sur son camp pour aimer ou détester la cérémonie.


👉Certains de nos politiciens et politiciennes et de nombreux acteurs éminents de l’écosystème diversité sont outrageusement laudateurs devant la cérémonie. Combien de fois n’ai-je pas lu : « la France que j’aime, enfin ! » ou « J’ai vu de l’inclusion partout ! » Surtout, j’ai constaté la condamnation définitive comme « fachos » de ceux qui osaient émettre des critiques sur les aspects perturbants. Radical et pas très prometteur pour recréer de la cohésion dans un pays décrit comme fracturé.


💡Le manichéisme heurte frontalement la diversité et il témoigne, selon les études, d’une faible agilité mentale[3]. Rappelons que l’inclusion, c’est aussi accepter la divergence d’opinion quelle qu’elle soit (religieuse, politique, syndicale, philosophique, …), opinion qui fait aussi partie des critères de discrimination, rappelons-le. L’expression de la divergence, dans le respect de l'autre, est la clé de la recherche de solutions[4].


[4] Relire à ce propos Adam Grant, « Think Again »


Un beau terrain d’études pour agir pour l’inclusion à la rentrée


💡La cérémonie d’ouverture #JOPARIS2024, au-delà d’être un moment magique de beauté constitue donc un excellent terrain d’études pour l’expression des fonctionnements et biais humains.


👉Prendre le temps de les analyser pourrait donner des pistes pour recréer du « ensemble », de la collaboration, de la cohésion nationale, au-delà de l’effet fédérateur des #JO2024 qui risque de ne pas résister longtemps aux enjeux de la rentrée ! 😉



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